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Comment Convelio renouvelle le domaine du transport d’œuvres d’art

Depuis sa création à Paris à l’automne 2017, la start-up Convelio a mis en application une formule neuve dans un univers marqué par un certain traditionalisme : digitalisation des tâches, forte réactivité, suppression de certains intermédiaires. Résultat : une rapidité d’exécution et un allègement des coûts fort bien accueillis par le marché de l’art. Entretien avec Edouard Gouin, cofondateur.




YAMINA BENAÏ : Dans quel contexte Clément Ouizille et vous-même avez co-fondé Convelio ?


EDOUARD GOUIN : Après avoir débuté notre carrière dans les technologies, nous avons tous deux rejoint le monde de l’art. Nous avons rapidement constaté que le transport dans le marché de l’art en France et dans le monde était fortement marqué par une lenteur dans l’établissement des devis, une opacité quant à ceux-ci et une structure des acteurs historiques que l’on peut définir comme oligopolistiques. Il nous est alors apparu essentiel d’offrir une solution de transport désintermédiée alliant technologie, large couverture géographique et professionnalisme dans le traitement des œuvres qui nous sont confiées.


Quels liens préalables aviez-vous avec le monde de l’art et pourquoi avoir choisi ce champ d’activité ?

Après avoir quitté nos fonctions dans un grand incubateur de startups berlinois, j’ai monté une plateforme de réalité augmentée qui mettait en contact des artisans – tels des ébénistes meilleurs ouvriers de France – avec des designers, et Clément Ouizille a occupé le poste de directeur des opérations d’une plateforme de vente d'œuvres d’art et d’antiquités. Après quelques mois, nous avons réalisé que la problématique la plus importante du marché ne se trouvait pas nécessairement dans la réinvention de l'expérience client, mais dans l'exécution des commandes – et la gestion des partenaires logistiques en particulier.

Nous avons donc rapidement commencé à travailler sur une première proposition – initialement très limitée et à destination des antiquaires – pour tester le marché. Les résultats ont dépassé nos espérances et nous nous sommes donc complètement consacrés à Convelio.

Edouard Gouin (à droite) et Clément Ouizille, cofondateurs de Convelio.


Moins d’un an après sa création, Convelio levait 1,85 million d’euros: quels paramètres ont plus spécifiquement convaincu ? Qu’est-ce que cet apport vous a permis de réaliser ?

Je pense que c’est tout d’abord notre capacité à innover dans un marché marqué par le conservatisme des acteurs de la logistique qui a convaincu nos premiers investisseurs. Quand nous sommes arrivés, c’était un marché très low-tech, doté de très peu d’innovations technologiques. Ensuite, c’est un marché de taille importante – plus particulièrement si l’on considère, outre les œuvres d’art, le transport de pièces d’antiquités et de mobilier haut de gamme. Enfin, nous avons passé beaucoup de temps sur des problématiques opérationnelles et logistiques lors de nos précédentes expériences ce qui a constitué un bagage que nous avons rapidement pu mettre à profit de Convelio.

Le fait d’avoir levé des fonds à ce moment-là a été salvateur. Nous avions à faire face à une très forte augmentation des volumes que nous transportions or, à l’époque, nous n’avions automatisé que la génération des devis, tout le reste était manuel. Notre rythme de travail avoisinnait les 90 heures hebdomadaires, il aurait été impensable de le maintenir plus longtemps. Ces fonds nous ont ainsi permis de rapidement recruter une équipe pour nous épauler et d’investir davantage dans notre technologie afin d’automatiser un maximum de tâches. Une fois la situation stabilisée, nous avons mise en place une équipe commerciale et repris le démarchage de nouveaux clients.


“Lorsque nous sommes arrivés dans ce secteur nous avons été frappés par la lenteur de transmission des devis de transport. Il fallait a minima 48 heures pour obtenir un prix de transport qui, de par la structure oligopolistique du marché, était très élevé.” Edouard Gouin

En matière de service, de réactivité et de coût, quelles déficiences avez-vous identifiées dans ce secteur ? Quelle place occupait le digital ? Lorsque nous sommes arrivés dans ce secteur nous avons été frappés par la lenteur de transmission des devis de transport. Il fallait a minima 48 heures pour obtenir un prix de transport qui, de par la structure oligopolistique du marché, était très élevé. Nous avons rapidement réalisé que le problème se trouvait, notamment, dans une chaîne logistique opaque comprenant de nombreux d’intermédiaires qui avaient des intérêts trop alignés. A titre d’exemple, lorsqu’une marchandise est expédiée de Paris à New York, la société en charge du transport depuis Paris se repose sur un de ses confrères aux Etats-Unis qui sera en charge de trouver des sociétés pour la déclaration en douane, la livraison du dernier kilomètre et l’installation – si elle n’est pas en capacité de proposer toutes les prestations, ce qui est souvent le cas. Cela signifie que des entreprises concurrentes sont également clientes. Ainsi, les différents intermédiaires se ménagent mutuellement, limitant, in fine, une certaine pression sur les prix bénéfique au marché de l’art. Quant au digital, il était complètement absent des réflexions des acteurs du marché en 2017. En toute franchise, il n’en avait pas besoin. En France, comme dans la majorité des marchés, le transport des œuvres d’art était consolidé autour de deux à quatre acteurs qui ont bénéficié d’une position dominante. Ce manque de compétition avait jusqu’alors bridé l’innovation. A notre échelle, nous sommes satisfaits d’avoir pu accélérer la digitalisation d’un marché essentiel au rayonnement culturel de nombreuses institutions et d’artistes.


Quels métiers Convelio rassemble-t-il ? Quelles équipes – en termes de nombre et d’implantation géographique – y sont dédiées ?

Nos équipes sont structurées autour de 5 grands pôles : l’équipe opérations qui organise le transport, l’équipe technologie et produit qui développe nos solutions techniques et nos plateformes et le commercial qui promeut notre solution et assurent la relation clients. Cette organisation est en place dans chacun de nos bureaux à Londres, New York et Paris. A ces équipes sont adjointes les fonctions plus classiques d’une entreprise avec les ressources humaines et la finance basées à Paris. Notre recrutement est fondé avant tout sur un ensemble de valeurs partagées qui soudent Convelio par-delà les compétences professionnelles, via des profils issus de parcours et d’origines très divers. L’équipe est aujourd’hui constituée de 90 personnes déouées et impliquées. Cette année, nous recruterons 80 personnes supplémentaires.


© Convelio, Design Miami.


Vous déclarez pratiquer des prix jusqu’à 40% inférieurs à ceux de la concurrence par le recours à un algorithme : quelles en sont les caractéristiques ?

L’algorithme est un des éléments nous permettant d’être compétitifs, tout comme notre technologie de manière générale via l’automatisation d’un grand nombre de tâches. Nous réduisons ainsi le temps – et les erreurs – sur les dossiers. En plus d’une chaîne logistique sans intermédiaires, cela nous permet de générer d’importantes économies que nous appliquons à nos clients.

L’algorithme, qui est une première dans ce segment, permet aux acteurs du marché de l’art d’obtenir des devis instantanément et une solution logistique clés en main couvrant l'ensemble du processus d'expédition : de la collecte, à la mise en caisse, au fret et aux douanes, à la livraison à domicile en porte-à-porte ou en gants blancs. Plus spécifiquement, l'algorithme est capable d'évaluer instantanément des centaines de millions de possibilités et de variables, afin de calculer – et d'optimiser – les coûts.


Quels sont, aujourd’hui, vos principaux concurrents ? Quelle stratégie spécifique développez-vous pour gagner du terrain ?

Nos principaux concurrents en France sont Chenue, LP Art et ESI, et leurs équivalents dans les marchés dans lesquels nous opérons. Pour le moment, nous nous concentrons en priorité sur le segment commercial du marché et nous nous focalisons sur ce qui a fait notre succès jusqu’ici : un service client dédié, une grande réactivité, des technologies de pointe adaptées à la digitalisation du marché de l’art, une large couverture géographique et une transparence tarifaire inégalée.


“Toute l'équipe de Convelio a été formée sur les changements liés au Brexit et nous sommes prêts à aider nos clients à gérer les nouveaux prérequis.” ED

Quel a été, pour Convelio, l’avant et l’après crise sanitaire ? Qu’avez-vous appris de cette épreuve ? Quelles nouvelles orientations la crise a-t-elle générées ?

Nous étions bien équipés pour faire face aux prix fluctuants et aux délais changeants – nous avons ainsi continué à fonctionner à pleine capacité durant les confinements mondiaux, en respectant notre engagement envers nos clients : maintien des prix, large couverture géographique, sûreté et sécurité assurées pour chaque expédition. Nous sommes également passés au télétravail du jour au lendemain avec une certaine facilité – une solution temporaire qui a évolué vers une politique de flex-office que nous prévoyons d’instaurer dans toute l'entreprise lors des prochains mois.

Nous avons aussi fortement accéléré le développement de notre API – une solution qui permet aux acteurs du marché de l’Art d’afficher des prix de transport instantanément sur leur site web. Cela a notamment permis à de nombreuses institutions de poursuivre leurs activités pendant cette période, en les accompagnant dans leur rapide transition numérique.


© Convelio, Design Miami.


Quelles nouvelles contraintes et obligations le Brexit implique-t-il pour votre activité ?

Nous devons nous attendre, particulièrement dans les prochains mois, à des retards dans les expéditions causées par de nombreux éléments : vérification de documents administratifs, réduction du nombre de navettes, systèmes électroniques non testés pour n’en citer que quelques-uns. Toute l'équipe de Convelio a été formée sur les changements liés au Brexit et nous sommes prêts à aider nos clients à gérer ces nouveaux prérequis. Il existe également une équipe dédiée s'occupant des procédures douanières, à laquelle nos clients peuvent faire appel pour les questions sur les droits et taxes, et bien plus encore.


Aujourd’hui, vous couvrez une quarantaine de pays (Europe, Amériques, Asie), quels nouveaux territoires prévoyez-vous en 2021 ? Quels nouveaux acteurs du monde de l’art souhaitez-vous convaincre ?

En 2020 nous avons expédié des œuvres dans 79 pays, du Sénégal aux Philippines en passant par la Géorgie et Saint-Vincent-et-les Grenadines. En 2021, nous allons continuer à élargir notre offre, notamment au départ des Etats-Unis. Nous avons récemment ouvert un bureau à New York incarné, entre autres, par notre partenariat avec Design Miami. Nous savons notre offre adaptée pour les musées et nous espérons finaliser prochainement des conversations initiées en 2020.

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